Ce samedi 11 mars, un soleil quasi estival nous accueille d’abord à Cadenet, notre première halte dans les collines du Sud Luberon.
Au programme,
la visite du musée de la vannerie, dont Valérie Hérault, animatrice et adjointe du patrimoine, nous ouvre toutes grandes les portes. Les corbeilles et paniers qui ornent le blason de la ville témoignent encore de l’importance de cette activité qui connut son essor au début du XXe, et qui occupait environ le quart de la population locale, que ce soit à la maison ou dans de grands ateliers. L’osier fourni naturellement par la plaine marécageuse de la Durance fut bientôt complété par le rotin importé des forêts tropicales. Le savoir-faire local est à l’origine d’une production très variée dont témoignent les vitrines du musée: bonbonnes, paniers, cabas, mais aussi fauteuils ou malles de voyage…La projection d’un petit film centré sur les souvenirs de Sylvie Langres, âgée de 80 ans lors du tournage, permet d’évoquer la vie quotidienne des vannières. Un témoignage plein de chaleur et de malice, qui donne aussi à voir l’humanité d’un petit village provençal dont on serait presque nostalgique. Valérie Hérault reprend ensuite la main, au sens propre comme au sens figuré, puisqu’elle s’attelle à la confection d’une corbeille en osier, en direct et sans filet, alternant commentaires techniques et échanges pleins de bonhommie avec son public.
Au terme de cette matinée, il nous reste à regagner le restaurant « Chez Félicien » (Félicien David, musicien, natif de Cadenet) pour un repas bien agréable, dans un décor joyeusement foutraque où les tarifs de boucherie (en Francs) côtoient les collections de petites voitures anciennes et les cocotes-minutes à manomètre.
L’après-midi nous rapproche d’une Histoire plus académique, avec la seconde étape consacrée à Lourmarin, classé comme l’un des Plus Beaux Villages de France. Visite incontournable du Château reconstruit au XVe sur les ruines d’une forteresse, et qui suit les vicissitudes propres à ces ouvrages, avec agrandissements et reconstructions successifs au gré des acquisitions. Sauvé de la ruine au début des Années 20 par Robert Laurent-Vibert qui entreprend de le faire restaurer, il est actuellement géré par une fondation. On retiendra parmi ses caractéristiques les plus marquantes sa loggia et ses galeries à l’italienne, son grand escalier d’apparat à vis, et ses cheminées curieusement ornées de cariatides à visages d’Amérindiens.
Non loin du château, nos amis Annie et Roger Reynaud nous ouvrent un autre pan de l’histoire du village avec les portes du temple local : Lourmarin a en effet été marqué par une forte présence protestante, née de l’émigration de Vaudois venus des Alpes au début du XVIe siècle. Ces paysans piémontais s’installent alors dans une vingtaine de villages du Luberon, afin de mettre en valeur des terres marécageuses. Ils tirent leur nom de Pierre Valdo qui crée au XIIe siècle un mouvement religieux appelé Les Pauvres de Lyon. En 1532, le mouvement vaudois se rattache officiellement au protestantisme. Dès lors, les Vaudois sont poursuivis pour hérésie et subissent persécutions et massacres.
Outre ce fond de rivalité entre catholiques et protestants, Lourmarin nous livre aussi une autre facette de son histoire avec l’une de ses personnalités au parcours assez original, que nous abordons en fin de journée avec l’intervention de Philippe Girbal. C’est devant la maison natale de Philippe Henri de Girard que son biographe nous présente l’homme auquel il a déjà consacré plusieurs ouvrages. Né en 1775 dans une famille protestante installée de longue date à Lourmarin, ce chercheur et inventeur de génie n’a pas connu la gloire qu’il méritait: ses inventions ont été plagiées à plusieurs reprises, ses associés l’ont grugé et ont vendu aux Anglais sa principale invention, la machine à filer le lin. Ne subsiste aujourd’hui de ce destin exceptionnel qu’une pauvre plaque dans l’arrière-cour d’un restaurant, pour indiquer l’emplacement de sa tombe. Quant au musée qui devait lui être consacré dans la maison familiale, il est fermé depuis des dizaines d’années.
Nous terminons cette journée en compagnie d’Annie et Roger Reynaud, pour une déambulation dans les rues animées de Lourmarin, avec une petite halte devant ce qui fut la forge familiale. On comprend l’émotion de Roger devant cette grille désormais fermée, lui qui succéda à une douzaine de générations de forgerons, sous le nom de « Provençal La Bonne Enclume, Compagnon ferronnier des Devoirs Unis ». Une autre page de l’histoire de Lourmarin se tourne, mais une prochaine sortie nous mènera peut-être sur la piste du compagnonnage en Vaucluse, qui peut savoir…