Un dernier coup d’oeil aux pigeons qui déambulent sur les pavés parmi les touristes, et nous voilà réunis dans la grande salle du restaurant le Lutrin, avec la magnifique façade du Palais des Papes comme toile de fond. L’atmosphère un tantinet médiévale conduit tout naturellement Renée Lefranc, attachée de conservation au Patrimoine, à évoquer la table des Papes en un temps où le gros, le gras et l’excessif ne suscitaient pas la même opprobre qu’aujourd’hui. Après cette mise en bouche historique, le repas n’est plus qu’une formalité, et nous rejoignons la basilique Notre-Dame des Doms toute proche. Restaurée sous l’égide de la Conservation Régionale des Monuments Historiques, la basilique avignonnaise, classée au Patrimoine mondial de l’Unesco, accueille de nouveau les fidèles et les touristes depuis le 24 mars 2016. Mais aujourd’hui, nous avons le privilège de découvrir cette vénérable dame en compagnie du père Daniel Bréhier, recteur chanoine titulaire.
Vénérable, elle l’est assurément par l’âge, puisque son 9ème centenaire a fait l’objet d’une célébration officielle en 2011. Si la tradition attribue sa fondation à Sainte Marthe, à l’aube du christianisme, son existence semble attestée au Ve siècle par la présence d’un évêque à Avignon, mais c’est en 1111 qu’une cathédrale romane est consacrée sur les ruines de l’église primitive, détruite par les invasions.
Vénérable, elle l’est aussi par l’éclat de sa renommée qui en fait durant près de 70 ans la première église du monde catholique: elle le doit bien sûr aux aléas de l’Histoire qui font d’Avignon la résidence des Papes au XIVe siècle. Intégrée au palais pontifical tout proche, elle joue alors un rôle de premier plan dans l’histoire de l’Église. C’est en son sein qu’on célèbre fêtes liturgiques et canonisations officielles, que papes, cardinaux et archevêques y sont parfois inhumés. On y tient régulièrement conciles et synodes, de nombreux rois et saints viennent y prier. Car la cathédrale est devenue un sanctuaire dédié à la Vierge Marie, objet d’une vénération telle que l’édifice devient un grand centre de pèlerinage. Bien après la fin de la présence papale, cette aura de spiritualité restera vivace. En témoigne la volonté des fidèles avignonnais de dresser, en 1859, au sommet du clocher de la basilique, l’imposante statue dorée de la Vierge Marie qui continue de dominer de son éclat le palais et la cité d’Avignon.
Ce sont quelques-unes des strates de cette longue histoire que le père Bréhier nous a dévoilées au cours de la visite de cet édifice qui associe harmonieusement le roman provençal, le gothique et le baroque. Au final, notre guide ne pouvait manquer d’évoquer un enjeu majeur de la protection de ce patrimoine exceptionnel: comment accueillir 600 000 visiteurs annuels sans gêner le recueillement des fidèles, tout en programmant de nouvelles opérations de sauvegarde…